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confessions

allumé des feux d’artifice en miniature dans la grande cour que ce soir-là je traversai à perdre haleine, d’où le concierge, dis-je, m’aperçut et me cria : « Bonsoir, monsieur Paul, mais pourquoi courez-vous ainsi, nu-tête ? »

J’avais, en vérité, bien autre chose à dire et à faire qu’à lui répondre, et ce fut d’un trait que je grimpai notre premier étage et d’un geste réitéré que je tirai le cordon de la sonnette avec quel cœur qui battait, qui battait ! La bonne m’ouvrit, fit un ah ! et allait prévenir quand, la bousculant en arrière, je tombai plutôt que je n’arrivai dans la grande sombre salle à manger où l’on dînait… Je tombai… dans les bras de ma mère et puis de mon père — et de ma cousine Élisa — et de mon cousin Victor, son frère, tout petit, tout trapu, avec la moustache en cro, et le fer à cheval du chasseur de Vincennes qu’il était. Instinctivement ou cordialement, ou les deux tout ensemble, chat ou chien, j’avais vaincu.

Dans les yeux, au fond peu surpris, dans les bras tendus presque d’avance et si vite autour de mon cou, dans les baisers doux et longs de ma mère et de ma cousine, vifs et barbus de mon père et de mon cousin, je perçus bien vite toute indulgence sinon quelque approbation de par derrière la tête… Et je me mis à pleurer délicieusement en expliquant mes raisons qui furent admises tout de suite et,