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confessions

plus tard, quand, à la question « as-tu faim ? » j’eus répondu de la bouche et des dents, savourant le bon potage au tapioca, le tendre poulet, et… je ne me rappelle plus quoi en fait de légumes et de desserts, et bu, avec délices, le doigt de bon vin pur (pas de café le soir, ça empêche de dormir), paternellement, maternellement, et mieux qu’amicalement combattues et réfutées. Convaincu que j’avais eu tort tout de même, je promis de me laisser reconduire à la pension le lendemain, après-midi — et j’allai me coucher, pour la dernière fois… jusqu’aux vacances de Pâques, dans mon petit lit où je dormis à poings fermés.

Le lendemain vint, toutefois, et je tins à honneur de bien, de gentiment remplir ma promesse. Ce fut mon cousin qui se chargea de me reconduire et d’expliquer au patron les choses et d’excuser ma fugue de la veille.

Pendant le trajet, il m’exhorta à être homme, à me considérer un peu comme au régiment ! Que diable ! j’étais d’une famille de militaires, et de même que lui (vieux sergent, grognard d’Algérie, qui devait plus tard, rengagé par deux fois, faire les campagne d’Italie et du Mexique) s’était habitué à la vie du régiment, je devais m’accoutumer à celle de collégien. Je me ferais des camarades, si je témoignais d’un bon caractère, d’un bon, mais pas d’un trop bon. Ne pas trop, par exemple, laisser les lous-