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charles baudelaire

rimes en soient riches ? ces vers vous remuent jusqu’au cœur, n’est-ce pas, malgré leur savante structure ? l’idée si originale et si creusée de ces petites vieilles trottinant dans la boue vous impressionne, n’est-ce pas, et vous donne le frisson, malgré la correction de la phrase et en dépit de l’impeccabilité de l’expression ? Et dès les premières strophes, si artistement balancées par malheur, vous vous sentez pleins d’une angoisse inexprimable et croissante, n’est-ce pas ?

. . . . . . . . . . . . . . . .

Ces monstres disloqués fuient jadis des femmes,
Eponine ou Laïs ! Monstres brisés, bossus
Ou tortus, aimons-les ! ce sont encor des âmes.
Sous des jupons troués et sous des froids tissus,
 
Ils rampent flagellés par les bises iniques,
Frémissant au fracas roulant des omnibus,
Et serrant en leur flancs, ainsi que des reliques,
Un petit sac brodé de fleurs ou de rébus ;

Ils trottent tout pareils à des marionnettes,
Se traînent comme font les animaux blessés,
Ou dansent sans vouloir danser, pauvres sonnettes,
Où se pend un démon sans pitié. Tout cassés