Page:Verlaine - Œuvres posthumes, Messein, II.djvu/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
63
voyage en france par un français

la majorité des gens, même des vieillards. (Quels étranges vieillards que ceux-ci et que ceux qui vont suivre !) Ah ! en l’an II d’exécrable mémoire, l’homme du peuple, certes bien égaré, bien fou, participait du moins à la tyrannie et tablait sur sa propre violence : il pillait, labourait des champs par lui volés le jour d’auparavant, et quand il fallait défendre ce bien mal acquis, donnait son sang aux armées ou prenait celui des légitimes possesseurs ou des héritiers, soit de vive force, la hache à la main, soit par une bonne dénonciation publique à sa section. Parfois aussi le sentiment du juste l’emportait en d’héroïques insurrections. Il revendiquait les franchises anciennes et mêlait la vieille foi monarchique aux tentatives fédéralistes du Centre et du Midi. En Bretagne, en Vendée, la persécution religieuse et la réquisition militaire soulevèrent la population tout entière et il s’ensuivit une guerre gigantesque, sans égale dans les annales d’aucune nation. Ces nobles fils du sillon puisèrent dans leur forte simplicité et dans la rectitude de leur conscience l’énergie de vingt armées pour résister au mal tout-puissant, le tenir en haleine et en échec pendant des années et sauver aux yeux du monde et de l’avenir l’honneur de la fidélité et du bon sens français ! Ils eurent toute raison comme ils