Page:Verlaine - Album de vers et de prose, 1888.djvu/3

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En robe grise et verte avec des ruches,
Un jour de juin que j’étais soucieux,
Elle apparût souriante à mes yeux
Qui l’admiraient sans redouter d’embûches ;

Elle alla, vint, revint, s’assit, parla,
Légère et grave, ironique, attendrie :
Et je sentais en mon âme assombrie,
Comme un joyeux reflet de tout cela ;

Sa voix, étant de la musique fine,
Accompagnait délicieusement
L’esprit sans fiel de son babil charmant
Où la gaîté d’un cœur bon se devine.

Aussi soudain fus-je après le semblant
D’une révolte aussitôt étouffée,
Au plein pouvoir de la petite Fée
Que depuis lors je supplie en tremblant.

(La bonne chanson).


Le foyer, la lueur étroite de la lampe ;
La rêverie avec le doigt contre la tempe
Et les yeux se perdant parmi les yeux aimés ;
L’heure du thé fumant et des livres fermés ;
La douceur de sentir la fin de la soirée ;
La fatigue charmante et l’attente adorée
De l’ombre nuptiale et de la douce nuit,
Oh ! tout cela, mon rêve attendri le poursuit
Sans relâche, à travers toutes remises vaines,
Impatient des mois, furieux des semaines !

(La bonne chanson).


Donc, ce sera par un clair jour d’été :
Le grand soleil, complice de ma joie,
Fera, parmi le satin et la soie,
Plus belle encore votre chère beauté ;

Le ciel tout bleu, comme une haute tente,
Frissonnera somptueux à longs plis
Sur nos deux fronts heureux qu’auront pâlis
L’émotion du bonheur et l’attente ;