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l’épave du cynthia.

réflexions avec dame Katrina, qui, elle non plus, n’avait pas fermé l’œil.

« Femme, je pense à ce que nous a dit le docteur ! s’était-il écrié au bout de plusieurs heures d’insomnie.

— J’y pense aussi depuis qu’il est parti, avait répondu la digne ménagère.

— M’est avis qu’il y a une part de vrai dans tout cela, et que nous avons peut-être été plus égoïstes que nous ne pensions ! Qui sait si le petit n’a pas droit à quelque grande fortune dont il est privé par notre négligence ?… Qui sait s’il n’est pas pleuré depuis douze ans par une famille qui pourrait à juste titre nous accuser de n’avoir rien tenté pour le lui rendre ?

— C’est précisément ce que je me répète, répondit Katrina en soupirant. Si sa mère vit, la pauvre femme, quel affreux chagrin ça doit être pour elle de croire son enfant noyé !… Je me mets à sa place, et je suppose que nous ayons ainsi perdu notre Otto !… Jamais nous ne nous serions consolés !

— La mère n’est pas encore tout ce qui m’inquiète, car, selon toute apparence, elle est morte, reprit Hersebom après un silence entrecoupé de part et d’autre de nouveaux soupirs. Comment supposer qu’un enfant de cet âge voyageât sans elle ou qu’il pût être attaché sur une bouée et livré seul aux hasards de l’Océan, si elle avait encore été vivante ?…