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du fort-youkon à port-clarence.

chaussures, car on ne se promène pas avec des bottines ou des souliers fins à travers les steppes soumises aux intempéries sibériennes.

Le magasin de Noulato fournit plusieurs paires de bottes en peau de phoque — de celles qui sont le mieux appropriées à ces longs voyages sur un sol glacé, et qui sont rendues imperméables par une couche de graisse.

Ce qui amena M. Cascabel à faire sentencieusement cette très juste observation :

« Il y a toujours avantage à se vêtir comme le sont les animaux des pays par où l’on passe ! Puisque la Sibérie est le pays des phoques… habillons-nous en phoques…

— En phoques à lunettes ! » répondit Sandre, dont la repartie reçut l’approbation paternelle.

La famille resta deux jours au fort de Noulato, deux jours qui suffirent à reposer son courageux attelage. Il lui tardait d’arriver à Port-Clarence. La Belle-Roulotte se mit en marche le 21 août, au soleil levant et, à partir de ce point, abandonna définitivement la rive droite du grand fleuve.

Le Youkon s’infléchissait très franchement vers le sud-ouest, pour aller se jeter dans le golfe de Norton. À continuer d’en suivre le cours, le chemin se fût allongé sans profit, puisque son embouchure s’ouvre au-dessous du détroit de Behring. De là, il aurait fallu remonter vers Port-Clarence en côtoyant un littoral coupé de fjords, d’anses, de criques, où Gladiator et Vermout se seraient inutilement fatigués.

Déjà le froid se faisait plus vivement sentir. Si les rayons du soleil, très obliques, donnaient encore une large lumière, ils donnaient peu de chaleur. D’épais nuages, formant une masse grisâtre, menaçaient de se résoudre en neige. Le petit gibier se faisait rare, et les oiseaux migrateurs commençaient à s’enfuir afin de chercher au sud de plus doux hivernages.

Jusqu’à ce jour, — résultat dont il fallait hautement se féliciter —