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césar cascabel.

plus à redouter, c’est un relèvement de la température. Surveille bien l’état de l’ice-field, Jean, ne néglige aucun indice, et n’hésite pas à revenir en arrière pour nous prévenir !

— Comptez sur moi, Monsieur Serge ! »

Évidemment, dès le mois prochain et jusqu’au milieu d’avril, les modifications que redoutait M. Serge n’auraient pu se produire. L’hiver serait alors franchement établi. Mais, comme il avait été tardif cette année, ses débuts étaient marqués par des alternatives de froid et de dégel, qui pouvaient amener la dislocation partielle du champ de glace. Oui ! mieux eût valu subir des températures de vingt-cinq à trente degrés au-dessous de zéro pendant cette traversée du détroit.

On partit avec un demi-jour seulement. Les faibles rayons du soleil, très obliquement projetés, ne parvenaient pas à percer l’épaisse ouate des brumes. En outre, le ciel commençait à se rayer jusqu’au zénith de nuages bas et longs, que le vent poussait assez rapidement vers le nord.

Jean, en tête, observait avec soin la couche de neige, un peu ramollie depuis la veille, et qui cédait à chaque pas sous les pieds de l’attelage. Néanmoins une étape de deux lieues environ put être faite, et la nuit ne fut marquée par aucun incident.

Le lendemain — 24 octobre — départ à dix heures. Vives inquiétudes de M. Serge, quand il eut constaté un nouveau relèvement de la température — phénomène vraiment anormal à cette époque de l’année et sous cette latitude.

Le froid étant moins vif, Cornélia, Napoléone et Kayette voulurent suivre à pied. Chaussées de bottes esquimaudes, elles marchaient assez allégrement. Tous avaient abrité leurs yeux derrière une paire de lunettes indiennes, et s’habituaient à regarder par l’étroite fente percée dans l’œillère. Cela faisait toujours la joie de ce gamin de Sandre, qui, sans se soucier de fatigue, gambadait comme un jeune chevreau.

En réalité, la voiture n’avançait pas rapidement. Ses roues entraient