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grande détermination.

la Sierra ?… Où retrouver l’argent ?… Et, sans cet argent, comment traverser l’Atlantique ?

Le désespoir de la famille se traduisit par les larmes des uns, par la fureur des autres. Tout d’abord, M. Cascabel fut en proie à un véritable accès de rage, et sa femme, ses enfants, eurent bien de la peine à le calmer. Mais, après s’être ainsi abandonné à sa colère, il redevint maître de lui, en homme qui ne doit pas perdre son temps en vaines récriminations.

« Maudit coffre ! ne put s’empêcher de dire Cornélia, au milieu de ses larmes.

— Il est certain, dit Jean, que, si nous n’avions pas eu de coffre, notre argent…

— Oui !… Une belle idée qui m’est poussée là, d’acheter cette satanée boîte ! s’écria M. Cascabel. Décidément, quand on a un coffre, il est prudent de n’y rien mettre ! La belle avance qu’il soit à l’épreuve du feu, comme me disait le marchand, du moment qu’il n’est pas à l’épreuve des voleurs ! »

Il faut le reconnaître, c’était là un rude coup pour la famille, et on ne peut trouver surprenant qu’elle en fût accablée. Volée de deux mille dollars gagnés au prix de tant de peines !

« Que faire ? dit Jean.

— Que faire ? répondit M. Cascabel, dont les dents serrées semblaient mâcher les paroles. C’est très simple !… C’est même extraordinairement simple !… Sans chevaux de renfort, nous ne pouvons continuer à remonter la passe… Eh bien ! je propose de retourner à la ferme… Peut-être ces gueux y sont-ils…

— À moins qu’ils n’y aient pas reparu ! » répliqua Clou-de-Girofle.

Et, vraiment, c’était plus que probable. Toutefois, comme le répéta M. Cascabel, il n’y avait pas d’autre parti à prendre que de revenir en arrière, puisqu’on ne pouvait aller en avant.

Là-dessus Vermout et Gladiator furent attelés, et la voiture commença à redescendre le défilé de la Sierra.