— Ils sont faibles, en somme, dit le chasseur, et, quand je devrais ne jamais éprouver de plaisir à boire de l’eau, j’y consentirais à la condition de n’en être jamais privé. »
À six heures, le Victoria planait au-dessus des palmiers.
C’étaient deux maigres arbres, chétifs, desséchés, deux spectres d’arbres sans feuillage, plus morts que vivants. Fergusson les considéra avec effroi.
À leur pied, on distinguait les pierres à demi rongées d’un puits ; mais ces pierres, effritées sous les ardeurs du soleil, semblaient ne former qu’une impalpable poussière. Il n’y avait pas apparence d’humidité. Le cœur de Samuel se serra, et il allait faire part de ses craintes à ses compagnons, quand les exclamations de ceux-ci attirèrent son attention.
À perte de vue dans l’ouest s’étendait une longue ligne d’ossements blanchis ; des fragments de squelettes entouraient la fontaine ; une caravane avait poussé jusque-là, marquant son passage par ce long ossuaire ; les plus faibles étaient tombés peu à peu sur le sable ; les plus forts, parvenus à cette source tant désirée, avaient trouvé sur ses bords une mort horrible.
Les voyageurs se regardèrent en pâlissant.
« Ne descendons pas, dit Kennedy, fuyons ce hideux spectacle ! Il n’y a pas là une goutte d’eau à recueillir.
— Non pas, Dick, il faut en avoir la conscience nette. Autant passer la nuit ici qu’ailleurs. Nous fouillerons ce puits jusqu’au fond ; il y a eu là une source ; peut-être en reste-t-il quelque chose. »
Le Victoria prit terre ; Joe et Kennedy mirent dans la nacelle un poids de sable équivalent au leur et ils descendirent. Ils coururent au puits et pénétrèrent à l’intérieur par un escalier qui n’était plus que poussière. La source paraissait tarie depuis de longues années. Ils creusèrent dans un sable sec et friable, le plus aride des sables ; il n’y avait pas trace d’humidité.
Le docteur les vit remonter à la surface du désert, suants, défaits, couverts d’une poussière fine, abattus, découragés, désespérés.
Il comprit l’inutilité de leurs recherches ; il s’y attendait, il ne dit rien. Il sentait qu’à partir de ce moment il devrait avoir du courage et de l’énergie pour trois.
Joe rapportait les fragments d’une outre racornie, qu’il jeta avec colère au milieu des ossements dispersés sur le sol.
Pendant le souper, pas une parole ne fut échangée entre les voyageurs ; ils mangeaient avec répugnance.