Page:Verne - Cinq Semaines en ballon.djvu/240

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dance à souffler de l’est ; il ne faut pas perdre une pareille occasion. »

Le docteur jeta quelques objets devenus inutiles, des bouteilles vides et une caisse de viande qui n’était plus d’aucun usage ; il réussit à maintenir le Victoria dans une zone plus favorable à ses projets. À quatre heures du matin, les premiers rayons du soleil éclairaient Ségo, la capitale du Bambarra, parfaitement reconnaissable aux quatre villes qui la composent, à ses mosquées mauresques, et au va-et-vient incessant des bacs qui transportent les habitants dans les divers quartiers. Mais les voyageurs ne furent pas plus vus qu’ils ne virent ; ils fuyaient rapidement et directement dans le nord-ouest, et les inquiétudes du docteur se calmaient peu à peu.

« Encore deux jours dans cette direction, et avec cette vitesse nous atteindrons le fleuve du Sénégal.

— Et nous serons en pays ami ? demanda le chasseur.

— Pas tout à fait encore ; à la rigueur, si le Victoria venait à nous manquer, nous pourrions gagner des établissements français ! Mais puisse-t-il tenir pendant quelques centaines de milles, et nous arriverons sans fatigues, sans craintes, sans dangers, jusqu’à la côte occidentale.

— Et ce sera fini ! fit Joe. Eh bien, tant pis ! Si ce n’était le plaisir de raconter, je ne voudrais plus jamais mettre pied à terre ! Pensez-vous qu’on ajoute foi à nos récits, mon maître ?

— Qui sait, mon brave Joe ? Enfin, il y aura toujours un fait incontestable ; mille témoins nous auront vu partir d’un côté de l’Afrique ; mille témoins nous verront arriver à l’autre côté.

— En ce cas, répondit Kennedy, il me paraît difficile de dire que nous n’avons pas traversé !

— Ah ! monsieur Samuel ! reprit Joe avec un gros soupir, je regretterai plus d’une fois mes cailloux en or massif ! Voilà qui aurait donné du poids à nos histoires et de la vraisemblance à nos récits. À un gramme d’or par auditeur, je me serais composé une jolie foule pour m’entendre et même pour m’admirer !