— Et ce n’est pas moins gai, monsieur Caterna…
— Ni moins comme il faut, monsieur Claudius ! » réplique le futur grand premier comique de Shangaï, en secouant un jabot imaginaire avec la désinvolture d’un seigneur Louis XV.
En ce moment, Mme Caterna vient nous rejoindre. C’est bien la digne compagne de son mari, créée et mise au monde pour lui donner la réplique dans la vie comme en scène, une de ces camarades de théâtre qui ne sont ni minaudières ni mauvaises langues, enfants de la balle pour la plupart, nées on ne sait où et même on ne sait comment, mais bonnes filles.
« Je vous présente Caroline Caterna, me dit le trial du ton dont il aurait présenté la Patti ou Sarah Bernhardt.
— Après avoir serré la main de votre mari, dis-je, je serais heureux de serrer la vôtre, madame Caterna…
— Voilà, monsieur, répond la dugazon, à la bonne franquette, au pied levé et sans souffleur !
— Comme vous voyez, pas poseuse et la meilleure des femmes…
— Comme il est le meilleur des maris !
— Je m’en flatte, monsieur Claudius, répond le trial, et pourquoi ? Parce que j’ai compris que le mariage tient tout entier dans ce précepte de l’Évangile auquel les maris devraient se conformer : ce que madame aime, monsieur en mange souvent ! »
On voudra bien m’en croire, c’était touchant de voir cet honnête cabotinage, si différent de la comptabilité galante par « doit et avoir » du courtier et de la courtière, qui conversaient à l’intérieur du wagon voisin.
Mais voici que le baron Weissschnitzerdörfer, coiffé d’une casquette de voyage, sort du dining-car, où, je l’imagine, il n’a point passé son temps à consulter l’indicateur.
« Le bonhomme au chapeau si farce ! s’écrie M. Caterna, après que le baron est entré dans le wagon, sans nous avoir honorés d’un salut.
— L’est-il assez… allemand ! réplique Mme Caterna.