Page:Verne - Claudius Bombarnac.djvu/151

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ou Ki-Tsang lui-même, cela se peut comprendre. Mais lui, un homme grave, un médecin de l’armée russe, s’abandonner à de telles combinaisons de scénarios, personne ne voudrait le croire. N’importe, nous en reparlerons.

Quant à moi, j’ai bientôt oublié ce Mongol pour l’homme-colis, sur lequel, à mon sens, doivent se concentrer tous mes efforts. Quelque fatigue que je ressente après cette longue promenade à travers Samarkande, si l’occasion se présente de lui rendre visite cette nuit, j’en profiterai.

Le dîner fini, chacun est venu reprendre sa place avec l’intention de dormir jusqu’à Tachkend.

La distance qui sépare Samarkande de Tachkend est de trois cents kilomètres. Le train n’arrivera pas en gare avant sept heures du matin. Il ne doit s’arrêter que trois fois à des stations intermédiaires pour faire de l’eau et du combustible, — circonstance favorable à la réussite de mon projet. J’ajoute que la nuit est sombre, le ciel couvert, sans lune, sans étoiles. La pluie menace, le vent fraîchit. Ce n’est point un temps à se promener sur les plates-formes, et personne ne s’y promènera. L’important, c’est de choisir le moment où Popof sera au plus fort de son sommeil.

Du reste, il n’est pas nécessaire que notre entrevue se prolonge. Que ce brave garçon soit rassuré, c’est l’essentiel, et il le sera, dès que nous aurons fait connaissance. Quelques renseignements sur son compte, sur Mlle Zinca Klork, d’où il vient, pourquoi il se rend à Pékin, les raisons qui lui ont fait choisir ce mode de transport, ses ressources pour le voyage, comment il est installé dans cette caisse, son âge, sa profession, son lieu de naissance, ce qu’il a fait dans le passé, ce qu’il espère dans l’avenir, etc., enfin tout ce que comprend un reportage consciencieux, voilà ce que je désire savoir de lui, voilà ce que je lui demanderai… Ce n’est pas être trop exigeant.

Et, d’abord, attendons que le wagon soit endormi. Cela ne tardera pas, car mes compagnons sont plus ou moins fatigués des heures passées à Samarkande. Les couchettes ont été formées après