C’est peut-être à Tachkend que les Juifs sont réunis en plus grand nombre. D’ailleurs, c’est à partir du jour où cette ville eut passé sous l’administration moscovite, que leur situation s’améliora absolument. De cette époque date la pleine liberté civile et politique dont ils jouissent.
Je ne peux guère consacrer que deux heures à visiter la ville, et c’est ce que j’ai fait en reporter zélé. On n’a pas manqué de me voir flânant à travers le grand bazar, simple bâtisse en planches, où s’entassent les étoffes d’Orient, les tissus de soie, la vaisselle de métal, et des échantillons très variés de la production chinoise, entre autres des porcelaines d’une belle fabrication.
Par les rues du vieux Tachkend, on rencontre un certain nombre de femmes. Il va sans dire qu’il n’y a plus d’esclaves en ce pays, au grand déplaisir des Musulmans. À présent, la femme est libre — même en ménage.
« Aussi, me raconte le major Noltitz, un vieux Turkomène disait-il un jour : « C’en est fini de la puissance maritale, depuis qu’on ne peut plus battre sa femme, sans qu’elle vous menace du Czar ! C’est la destruction du mariage ! »
Je ne sais si le beau sexe est encore battu, mais l’un des époux sait à quoi il s’expose, quand il rosse l’autre. Le croirait-on ? ces singuliers Orientaux ne veulent pas voir un progrès dans cette défense de battre leurs femmes ! Peut-être se souviennent-ils que le Paradis Terrestre n’était pas très éloigné — un beau jardin entre le Tigre et l’Euphrate, à moins qu’il ne fût entre l’Amou et le Syr-Daria ? Peut-être n’ont-ils pas oublié que notre mère Ève habitait ce jardin préadamique, et que, si elle eût été un peu battue avant sa première faute, elle ne l’aurait sans doute pas commise… Enfin, n’insistons pas !
Je n’ai point entendu, comme cela est arrivé à Mme de Ujfalvy-Bourdon, la musique de l’endroit jouer Les Pompiers de Nanterre, au jardin de la résidence du gouverneur général. Non ! ce jour-là, on jouait Le Père la Victoire, et, pour ne pas être absolu-