ment nationaux, ces airs n’en sonnent pas moins agréablement à des oreilles françaises.
Nous avons quitté Tachkend à onze heures précises du matin. Le pays, à travers lequel s’allongent les rails du Grand-Transasiatique, est déjà plus accidenté. La plaine commence à onduler sous les premières ramifications du système orographique de l’est. Nous approchons du plateau de Pamir. Toutefois, la vitesse normale s’est maintenue durant ce trajet de cent cinquante kilomètres, qui nous sépare de Khodjend.
Une fois en route, ma pensée est revenue vers le brave Kinko. J’ai été touché jusqu’au fond du cœur de son petit roman d’amour. Ce fiancé qui s’expédie… cette fiancée qui paiera le port… Le major Noltitz, j’en suis certain, s’intéresserait à ces deux pigeons dont l’un est en cage ; il n’en voudrait pas trop au fraudeur de la Compagnie, il serait surtout incapable de le trahir… Aussi ai-je un vif désir de lui raconter par le détail mon expédition au fourgon de bagages… Mais ce secret ne m’appartient pas. Je ne dois rien faire qui puisse compromettre Kinko…
Je me tais donc, et, la nuit prochaine, si cela est possible, j’essaierai d’apporter quelques provisions à mon colis… disons mon colimaçon. Le jeune Roumain n’est-il pas dans sa boîte comme le colimaçon dans sa coquille — à cela près qu’il en peut sortir ?
Nous arrivons à Khodjend vers trois heures de l’après-midi. Le pays est fertile, verdoyant, soigneusement cultivé. C’est une succession de jardins potagers, qui paraissent convenablement entretenus, d’immenses prairies semées de trèfle dont on fait annuellement quatre ou cinq coupes. Les routes, avoisinant la ville, courent entre de longues rangées de vieux mûriers, qui amusent le regard avec leur grimaçante ramure.
Toujours les cités accouplées, l’ancienne et la nouvelle. À elles deux, qui ne comptaient que trente mille habitants en 1868, elles en possèdent actuellement de quarante-cinq à cinquante mille. Est-ce l’influence du voisinage qui produit ces accroissements de nata-