Page:Verne - Claudius Bombarnac.djvu/229

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« Ces gueux, crie-t-il, ils veulent nous prendre à l’abordage !… Ce chef d’attaque, qui veut nous couler bas !… En avant, en avant, pour l’honneur du pavillon !… Feu de tribord !… Feu de bâbord !… Feu de partout ! »

Et ce n’est plus l’un de ces poignards de théâtre dont il est armé, ce ne sont plus ces pistolets, chargés à la poudre inoffensive d’Édouard Philippe. Non ! Un revolver de chaque main, bondissant comme un gabier de misaine, il tire à droite, à gauche, et, comme il le dit, de tribord, de bâbord, de partout !

De son côté, le jeune Pan-Chao s’expose courageusement, le sourire aux lèvres, entraînant les autres voyageurs chinois. Popof et les employés du train font bravement leur devoir. Il n’est pas jusqu’à sir Francis Trevellyan, de Trevellyan-Hall, qui ne se batte avec un sang-froid méthodique, tandis que Fulk Ephrinell s’abandonne à une furie toute yankee, non moins irrité de l’interruption de son mariage que des dangers que courent ses quarante-deux colis de dents artificielles. Et encore ne sais-je pas si ces sentiments ont une part égale dans son esprit si positif !

Bref, il résulte de tout cela que la troupe de malfaiteurs se heurte à une résistance plus sérieuse qu’elle n’attendait.

Et le baron Weissschnitzerdörfer ?… Eh bien, le baron est un des plus acharnés. Il sue sang et eau, sa fureur l’emporte, au risque de se faire massacrer. Plusieurs fois, il a fallu le dégager. Ces rails enlevés, ce train en détresse, cette attaque en plein désert de Gobi, les retards qui s’en suivront… c’est le paquebot manqué à Tien-Tsin, c’est le voyage autour du monde compromis, c’est l’itinéraire brisé au premier quart du parcours ! Quel accroc donné à l’amour-propre germanique !

Le seigneur Faruskiar, mon héros, — je ne puis l’appeler autrement — déploie une intrépidité extraordinaire, se portant au plus fort de la mêlée, et, quand il a épuisé les coups de son revolver, jouant du kandjiar en homme qui doit avoir souvent vu la mort de près et n’a jamais craint de la braver.