résistant aux convoitises chinoises, n’avait pas encore subi la domination russe. Maintes fois, nombre de Célestes furent massacrés lors des révoltes des chefs turkestans, et la garnison dut se réfugier dans la forteresse de Yanghi-Hissar.
Parmi ces chefs d’insurgés, il y en eut un, cet Ouali-Khan-Toulla, dont j’ai parlé déjà à propos du meurtre de Schlagintweit, et qui devint temporairement le maître de la Kachgarie. C’était un homme très intelligent, mais d’une férocité peu commune. Et le seigneur Faruskiar nous cite un trait, de nature à donner une idée du caractère impitoyable de ces Orientaux.
« Il y avait à Kachgar, dit-il, un armurier de renom, qui, désireux de s’assurer les faveurs d’Ouali-Khan-Toulla, fabriqua un sabre d’un grand prix. L’ouvrage terminé, il chargea son fils, son garçon de dix ans, d’aller offrir ce sabre, espérant que l’enfant recevrait quelque récompense de la royale main. Il en reçut une. Ce personnage, après avoir admiré le sabre, demanda si la lame était de première trempe : « Oui, répondit l’enfant. — Approche alors ! » dit Ouali-Khan-Toulla, et d’un seul coup, il lui abattit la tête qu’il renvoya à son père avec le prix de ce sabre dont il venait d’éprouver l’excellente qualité. »
Ce récit a été fait avec une parfaite justesse d’inflexions. Mais si M. Caterna l’eût entendu, je pense qu’il ne m’aurait pas demandé d’en tirer le sujet d’une opérette turkestane.
La journée s’est écoulée sans incident. Le train a marché avec son allure modérée d’une quarantaine de kilomètres à l’heure, — moyenne qui se fût élevée à quatre-vingts, si on eût écouté le baron Weissschnitzerdörfer. La vérité est que les mécaniciens et les chauffeurs chinois ne s’inquiétèrent en aucune façon de regagner le temps perdu entre Tchertchen et Tcharkalyk.
À sept heures du soir, nous arrivons au Kara-Nor pour y stationner cinquante minutes. Ce lac, qui n’est pas aussi étendu que le Lob-Nor, absorbe les eaux du Soule-Ho, descendu des monts Nan-Chan. Nos regards sont charmés par les massifs de verdure qui encadrent sa