En ce moment, un gros tumulte se produit devant la maison. Des cris se font entendre, un brouhaha de foule les accompagne, et, au milieu de ce tumulte, une voix…
Grand Dieu… je ne me trompe pas !… c’est la voix de Kinko !… Je l’ai reconnue !… Suis-je dans mon bon sens ?…
Zinca Klork, qui s’est relevée, se précipite vers la fenêtre, elle l’ouvre et nous regardons tous les deux…
Un camion est arrêté au seuil de la porte. La caisse, avec ses multiples inscriptions : Haut, Bas, Fragile, Glaces, Craint l’humidité, est là… à demi brisée. Le camion venait d’être heurté par une charrette à l’instant où on déchargeait la caisse… Elle a glissé à terre… elle s’est défoncée… et Kinko a jailli comme un diable d’une boîte à surprise… mais vivant, bien vivant !…
Je ne puis en croire mes yeux !… Comment, mon jeune Roumain n’a pas péri dans l’explosion ?… Non ! Ainsi que je vais bientôt l’apprendre de sa bouche, ayant été jeté sur la voie à l’instant où la chaudière éclatait, il est d’abord resté inerte ; puis, sentant qu’il n’était pas blessé, — un vrai miracle ! — il s’est tenu à l’écart jusqu’au moment où il a pu rentrer dans le fourgon sans être aperçu. Quant à moi, j’en étais déjà sorti, et, après l’y avoir inutilement cherché, je ne pouvais douter qu’il eût été la première victime de la catastrophe.
Donc, ô ironie du sort ! — avoir accompli un parcours de six mille kilomètres sur le railway du Grand-Transasiatique, enfermé dans une boîte parmi les bagages, avoir échappé à tant de dangers, attaque de bandits, explosion de machine, et voici qu’un accident bête, le choc d’une charrette au milieu d’une rue de Pékin, fait perdre en un instant à Kinko tout le bénéfice de son voyage… frauduleux, soit ! mais vraiment si… Je ne trouve pas d’épithète digne de qualifier ce tour de force.
Le camionneur a poussé des cris à la vue de l’être vivant qui venait d’apparaître. En un instant, la foule s’est amassée, la fraude est découverte, les agents de police arrivent… Et que voulez-vous