En attendant la réalisation de ce desideratum, il est nécessaire de prendre un paquebot, et c’est ce que je me préparais à faire en nombreuse compagnie.
Notre paquebot s’appelle l’Astara, de la Compagnie Caucase et Mercure. C’est un gros bateau à roues, qui fait trois fois par semaine le service d’une côte à l’autre. Très large de coque, il a été aménagé de manière à prendre une grande quantité de marchandises, et les constructeurs se sont plus préoccupés de l’arrimage des colis que du confort des passagers. Après tout, pour une navigation de vingt-quatre heures, il n’y a pas lieu de se montrer difficile.
Tumultueux concours de monde aux abords de l’embarcadère, gens qui partent et gens qui regardent partir, recrutés parmi la population cosmopolite de Bakou. J’observe que les voyageurs sont pour la plupart des Turkmènes, avec une vingtaine d’Européens de diverses nationalités, quelques Persans et aussi deux types originaires du Céleste-Empire. Ceux-là sont évidemment à destination de la Chine.
L’Astara est à la lettre bondé de marchandises. La cale n’a pas suffi, et une bonne part de la cargaison a reflué sur le pont. L’arrière est réservé aux passagers ; mais, depuis la passerelle jetée entre les tambours jusqu’au gaillard d’avant, on a empilé nombre de colis que d’épais prélarts goudronnés doivent garantir contre les coups de mer.
C’est là que les bagages de Fulk Ephrinell ont été déposés. Il y a tenu la main avec une énergie de Yankee, très décidé à ne pas perdre de vue son précieux matériel, des caisses cubiques, hautes, larges et profondes de deux pieds, recouvertes d’un cuir verni soigneusement sanglé, et sur lequel se lisent ces mots imprimés en découpage : Strong Bulbul and Co. de New-York.
« Toutes vos marchandises sont à bord ? demandai-je à l’Américain.
— Voici la quarante-deuxième caisse qui arrive », me répond-il. Et, en effet, ladite caisse est au dos d’un facteur, engagé déjà