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Une centaine de passagers sont à bord de l’Astara, — un grand nombre de ces Caucasiens qui commercent avec le Turkestan, et qui ne nous accompagneront pas jusqu’aux provinces orientales du Céleste-Empire.

Depuis quelques années déjà, le Transcaspien fonctionne entre Ouzoun-Ada et la frontière chinoise. Rien qu’entre ce port et Samarkande, on ne compte pas moins de soixante-trois stations. C’est donc sur cette partie du parcours que le train doit déposer le plus de voyageurs. De ceux-là je n’ai point à m’inquiéter, et ne perdrai pas mon temps à étudier leur personne. Supposez que l’un d’eux soit intéressant, je le travaille, je le pioche jusqu’à « son état d’âme »… et puis il me laisse au bon moment.

Non ! toute mon attention, je la réserve pour ceux qui feront le voyage entier. J’ai déjà Fulk Ephrinell et peut-être cette charmante Anglaise, qui me paraît être à destination de Pékin. Je rencontrerai d’autres compagnons de route à Ouzoun-Ada. En ce qui concerne le couple français, rien encore ; mais la traversée de la Caspienne ne s’achèvera pas sans que je sache à quoi m’en tenir à leur égard. Il y a aussi ces deux Chinois qui retournent évidemment dans leur Chine. Si je connaissais seulement cent mots du « kouan-hoa » qui est la langue parlée du Céleste-Empire, peut-être pourrais-je tirer parti de ces curieuses figures de paravent. En réalité, ce qu’il me faudrait, ce serait un personnage affublé de sa légende, quelque héros mystérieux, qui voyagerait incognito, grand seigneur ou bandit. Enfin n’oublions pas notre double rôle de reporter pour les faits, d’interviewer pour les gens… à tant la ligne, et choisissons bien. Qui fait bon choix a bonne chance.

Je suis descendu par l’escalier du rouffle dans les salons de l’arrière. On n’y trouverait pas une place libre. Les cabines sont déjà occupées par les passagers et les passagères qui redoutent le tangage et le roulis. Couchés dès leur arrivée à bord, ils ne se lèveront qu’au moment où le bateau accostera les quais d’Ouzoun-Ada. Faute de cabines, d’autres voyageurs se sont installés sur les divans, encom-