Page:Verne - Claudius Bombarnac.djvu/51

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semblent nous écouter, quand nous causons en français. Ils manifestent un plaisir évident et un désir déjà visible de se mêler à notre conversation. Je ne me suis donc pas trompé : ce sont des compatriotes, mais de quelle catégorie ?…

En ce moment, voici que la bande de l’Astara s’accentue ; les assiettes frémissent entre les chevilles de la table, les couverts glissent en cliquetant, les verres épanchent en partie leur contenu, les lampes de suspension s’écartent de la verticale, ou plutôt, ce sont nos sièges, c’est la table, qui obéissent au caprice du roulis. Curieux effet à observer, lorsqu’on a le cœur assez marin pour n’en point souffrir.

« Eh ! me dit l’Américain, voilà cette excellente Caspienne qui commence à secouer ses puces !

— Êtes-vous sujet au mal de mer ? lui demandai-je.

— Moi, me dit-il, pas plus qu’un marsouin. Et vous, miss, ajouta-t-il en s’adressant à sa voisine, vous n’êtes jamais malade ?…

— Jamais », répond miss Horatia Bluett.

De l’autre côté de la table, le couple échange quelques paroles en français :

« Tu n’es pas indisposée, madame Caterna ?…

— Non, Adolphe… pas encore… mais si cela continue… j’avoue que…

— Eh bien, Caroline, il faudra remonter sur le pont. Le vent a halé l’est d’un quart, et l’Astara ne tardera pas à mettre le nez dans la plume. »

Cette manière de s’exprimer indique que « monsieur Caterna », puisque tel est son nom, est marin ou a dû l’être. Cela explique le roulement de ses hanches, quand il marche.

Le tangage est maintenant très dur. La plupart des convives ne peuvent le supporter. Passagers, passagères, au nombre d’une trentaine, ont quitté la table, afin d’aller respirer sur le pont. J’espère que le grand air les remettra. Nous ne sommes plus qu’une dizaine dans le dining-room, en comprenant le capitaine, avec lequel le