C’est bien un homme qui est emboîté là-dedans, et ce n’est pas le tailleur autrichien Zeitung… Merci, mon Dieu !… J’en fais aussitôt mon numéro 11.
Cet homme, dont je distingue parfaitement les traits, me paraît âgé de vingt-cinq à vingt-six ans. Il porte toute sa barbe qui est brune. C’est un vrai type de Roumain, — ce qui confirme mes idées sur sa correspondante roumaine. Il a un bon regard, bien que sa physionomie dénote une grande énergie, et n’en faut-il pas pour se faire expédier sous forme de colis pendant un si long trajet ? Mais, s’il n’a rien d’un malfaiteur, qui se serait renfermé là en vue de quelque mauvais coup ; je dois avouer qu’il n’a pas non plus l’aspect du héros dont je voudrais faire le personnage principal de mon récit.
Après tout, ce n’étaient point des héros, cet Autrichien et cet Espagnol qui ont voyagé au fond de leur caisse ; c’étaient des jeunes gens, très simples, très bourgeois, et, cependant, ils ont fourni aux chroniqueurs des colonnes de chronique. Aussi, ce brave numéro 11, avec les amplifications, antonymies, diaphores, épitases, tropes, métaphores et autres figures de cette sorte, je le parerai, je le grandirai, je le développerai… comme on développe un cliché photographique.
D’ailleurs, voyager en boîte de Tiflis à Pékin, c’est autre chose que d’aller de Vienne ou de Barcelone à Paris, comme l’ont fait Zeitung, Errès et Flora Anglora.
J’ajoute que je ne trahirai pas mon Roumain, je ne le dénoncerai à personne. Qu’il ne doute pas de ma discrétion et qu’il compte sur mes bons offices, si je puis lui être utile dans le cas où il serait découvert… D’ailleurs, il ne le sera pas.
Et que fait-il en ce moment ?… Eh bien, assis au fond de la caisse, il soupe tranquillement, à la lumière d’une petite lampe, le brave garçon. Une boîte de conserve est posée sur ses genoux, le biscuit ne lui manque pas, et, dans une petite armoire, j’aperçois quelques bouteilles pleines, plus une couverture et une houppelande accrochées aux parois.