Page:Verne - Clovis Dardentor, Hetzel, 1900.djvu/22

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« Mais il ne vient pas !… Pourquoi tarde-t-il ?… Que fait-il donc ?… Il sait pourtant que c’est pour trois heures précises !… Il va manquer le bateau !… Agathocle ?…

— Et puis ?… répondit niaisement le fils Désirandelle, sans avoir l’air de savoir pourquoi son père s’abandonnait à cette agitation extraordinaire.

— Tu n’aperçois pas M. Dardentor ?…

— Il n’est pas arrivé ?…

— Non ! il n’est pas arrivé… À quoi penses-tu donc ? »

Agathocle ne pensait à rien.

M. Désirandelle allait et venait d’un bout à l’autre de la dunette, promenant son regard tantôt sur la jetée de Frontignan, tantôt sur le quai à l’opposé du vieux bassin. En effet, le retardataire aurait pu apparaître de ce côté, et, en quelques coups d’aviron, un canot l’eût amené à bord du paquebot.

Personne… personne !

« Que va dire Mme Désirandelle ! s’écria M. Désirandelle aux abois. Elle si soigneuse de ses intérêts !… Il faut pourtant qu’elle le sache !… Si ce diable de Dardentor n’est pas ici dans cinq minutes, que devenir ? »

Marcel Lornans et Jean Taconnat s’amusaient de la détresse de ce bonhomme. Il était évident que les amarres de l’Argèlès seraient bientôt larguées, si l’on avertissait pas le capitaine, et, à supposer que celui-ci n’accordât pas le traditionnel quart d’heure de grâce — cela ne se fait guère, quand il s’agit du départ d’un paquebot, — on partirait sans M. Dardentor.

D’ailleurs, la haute pression de la vapeur faisait déjà ronfler les chaudières ; de rapides volutes blanches fusaient par le tuyau d’échappement ; le paquebot se choquait contre ses ballons d’accostage, pendant que le mécanicien balançait sa machine et assurait le fonctionnement de l’hélice.

En ce moment, Mme Désirandelle apparut sur la dunette. Plus sèche que d’ordinaire, plus pâle que d’habitude, elle serait restée