Page:Verne - Clovis Dardentor, Hetzel, 1900.djvu/23

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dans sa cabine, pour n’en point sortir de toute la traversée, si, elle aussi, n’eût été aiguillonnée par une réelle inquiétude. Pressentant que M. Dardentor n’était pas à bord, voici que, en dépit de ses défaillances, elle voulait demander au capitaine Bugarach d’attendre le passager en retard.

« Eh bien ?… dit-elle à son mari.

— Il n’est pas arrivé ! lui fut-il répondu.

— Nous ne pouvons partir avant que Dardentor…

— Cependant…

— Mais allez donc parler au capitaine, monsieur Désirandelle !… Vous voyez bien que je n’ai pas la force de monter près de lui ! »

Le capitaine Bugarach, l’œil à tout, jetant un ordre à l’avant, jetant un ordre à l’arrière, paraissait peu abordable. À ses côtés, sur la passerelle, l’homme de barre, tenant les poignées de la roue, guettait un commandement pour actionner les drosses du gouvernail. Ce n’était point l’instant de l’interpeller, et pourtant, sous l’injonction de Mme Désirandelle, après s’être péniblement hissé par la petite échelle de fer, M. Désirandelle s’accrocha aux montants de la passerelle tendue de toile blanche.

« Capitaine ?… dit-il.

— Que me voulez-vous ?… répondit brusquement « le maître après Dieu » d’une voix qui roulait entre ses dents comme la foudre entre les nuées d’orage.

— Vous comptez partir ?…

— À trois heures… exactement… et il ne s’en faut plus que d’une minute…

— Mais nous avons un de nos compagnons de voyage qui est en retard…

— Tant pis pour lui.

— Mais ne pourriez-vous attendre ?…

— Pas une seconde.

— Mais il s’agit de M. Dardentor !… »

Et, au prononcé de ce nom, M. Désirandelle croyait assurément