Page:Verne - Clovis Dardentor, Hetzel, 1900.djvu/40

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On les connaît maintenant au physique et au moral, ces deux jeunes gens. Les voici partis pour un voyage qui n’a rien de très extraordinaire. Ils n’ont d’autre situation que celle de passagers de première classe sur ce paquebot à destination d’Oran. La changeront-ils, à leur arrivée, pour celle de cavaliers de deuxième classe au 7e chasseurs d’Afrique ?…

« Qui sait ? » avait dit Jean Taconnat, en homme convaincu que le hasard joue un rôle prépondérant dans la destinée humaine.

L’Argèlès, en marche depuis vingt-cinq minutes, n’avait pas encore donné toute sa vitesse. Le brise-lames lui restait en arrière à un mille, et il se préparait à évoluer dans la direction du sud-ouest.

En ce moment, le docteur Bruno, qui se trouvait vers la dunette, saisit la longue-vue et la braqua du côté du port sur un objet mouvant, couronné par des volutes de fumée noire et de vapeurs blanches.

Fixer cet objet pendant quelques secondes, pousser une exclamation de surprise, courir vers l’escalier de tribord, s’affaler sur le pont, monter jusqu’à la passerelle où se tenait le capitaine Bugarach, l’interpeller d’une voix essouflée et pressante, lui mettre la longue-vue entre les mains, ce fut pour le docteur Bruno l’affaire d’une demi-minute.

« Commandant, regardez ! » dit-il en indiquant l’objet qui grossissait en se rapprochant.

Après l’avoir observé :

« Certainement c’est une chaloupe à vapeur, répondit le capitaine Bugarach.

— Et il me semble bien que cette chaloupe cherche à nous rattraper, ajouta le docteur Bruno.

— Ce n’est pas douteux, docteur, car, à l’avant, on fait des signaux…

— Allez-vous donner l’ordre de stopper ?…

— Je ne sais trop si je le dois !… Que peut nous vouloir cette chaloupe ?…