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— Nous le saurons quand elle aura accosté…

— Peuh ! » fit le capitaine Bugarach, qui ne semblait pas très désireux d’immobiliser son hélice.

Le docteur Bruno n’abandonna pas la partie.

« J’y pense, s’écria-t-il, si c’était le voyageur en retard, courant après l’Argèlès

— Ce monsieur Dardentor… qui a manqué le départ ?…

— Et qui se sera jeté dans cette chaloupe pour regagner notre bord !… »

Explication assez plausible, car il était certain que la chaloupe, forçant de vitesse, essayait de rejoindre le paquebot avant qu’il eût pris la haute mer. Et il pouvait se faire, en vérité, que ce fût pour le compte de ce retardataire dont la famille Désirandelle déplorait si amèrement l’absence.

Le capitaine Bugarach n’était point homme à sacrifier le prix d’une place de passager de première à l’ennui de s’arrêter pendant quelques minutes. Il lança bien trois ou quatre jurons d’une sonorité toute méridionale, mais il envoya dans la chambre des machines l’ordre de stopper.

Le paquebot courut sur son erre l’espace d’une encablure, sa marche diminua progressivement, et il s’arrêta. Toutefois, comme la houle du large le prenait par le travers, son roulis s’accentuait au grand dommage des passagers et passagères en proie déjà aux affres du mal de mer.

Cependant, la chaloupe gagnait avec une telle rapidité que le bas de son étrave sortait de l’eau écumante. On commençait à distinguer un personnage, placé à l’avant, agitant son chapeau.

En ce moment, M. Désirandelle se hasarda à monter sur la passerelle, et là, s’adressant au docteur Bruno, qui n’avait pas quitté le capitaine :

« Qu’attendez-vous ?… demanda-t-il.

— Cette chaloupe, répondit le docteur.

— Et que veut-elle ?…