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III

Dans lequel l’aimable héros de cette histoire commence à se poser au premier plan.

Dardentor — de son prénom Clovis — avait reçu le jour, quarante-cinq ans avant le début de cette histoire, place de la Loge, numéro 4, dans l’ancienne Ruscino, devenue capitale du Roussillon, aujourd’hui chef-lieu des Pyrénées-Orientales, la célèbre et patriotique Perpignan.

Le type de Clovis Dardentor n’est pas rare en cette bonne ville de province. Qu’on se figure un homme d’une taille au-dessus de la moyenne, carré des épaules, vigoureux de charpente, le système musculeux dominant le système nerveux, en parfaite eusthénie, — c’est-à-dire pour ceux qui ont oublié le grec, en complet équilibre de ses forces, — la tête ronde, les cheveux ras poivre et sel, la barbe brune en éventail, le regard vif, la bouche grande, la denture superbe, le pied sûr, la main adroite, bien trempé moralement et physiquement, bon enfant quoique de nature impérieuse, de belle humeur, d’une faconde intarissable, très débrouillard, très expéditif, enfin méridional autant que peut l’être un individu qui n’est pas originaire de cette Provence dans laquelle tout le Midi français se résume et s’absorbe.

Clovis Dardentor était célibataire, et, vraiment, on ne concevrait pas un tel homme apparié dans les liens conjugaux, ni qu’une quelconque lune de miel se fût jamais levée sur son horizon. Ce n’est pas qu’il se montrât misogyne, car il se plaisait dans la société des femmes, mais il était misogame au plus haut degré. Cet ennemi du mariage ne concevait pas qu’un homme, sain d’esprit et de corps, lancé dans les affaires, eût le temps d’y songer. Le mariage ! il ne l’admettait ni