Page:Verne - Clovis Dardentor, Hetzel, 1900.djvu/48

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Et voici sa voix coquelinesque qui retentit de nouveau disant :

« Si j’ai manqué le départ, je ne raterai pas le dîner, mon cher capitaine, et pour peu que votre maître coq ait soigné son menu, vous me verrez le mastiquer en mesure… »

Soudain ce flux de paroles, se détournant de son cours, se dirigea vers un autre interlocuteur.

M. Désirandelle, qui était allé avertir Mme  Désirandelle de l’arrivée de leur compagnon de voyage si malencontreusement retardé, venait d’apparaître.

« Eh ! ce cher ami ! s’écria Clovis Dardentor. Et madame Désirandelle ?… Où est donc l’excellente dame ?… Et le plus beau des Agathocle ?… »

— Soyez sans crainte, Dardentor, répondit M. Désirandelle, nous n’étions pas en retard, et l’Argèlès n’a pas été obligé de partir sans nous !

— Des reproches, mon bon ?…

— Ma foi… vous les méritez bien !… Quelle inquiétude vous nous avez causée !… Nous voyez-vous débarquant à Oran chez Mme  Elissane… sans vous ?…

— Eh ! j’ai assez maronné, Désirandelle… C’est la faute à cet animal de Pigorin !… Il m’a retenu avec ses échantillons de vieux Rivesaltes… Il a fallu guster et déguster… et quand j’ai paru à l’extrémité du vieux bassin, l’Argèlès débouquait de la passe… Mais me voici, et il est inutile de récriminer sur la chose, ni de rouler des yeux de saumon expirant… Ça finirait par augmenter le roulis !… Et votre femme ?…

— Elle est sur son cadre… un peu…

— Déjà ?…

— Déjà, soupira M. Désirandelle, dont les paupières tremblotaient, et moi-même…

— Cher bon, un conseil d’ami ! dit Clovis Dardentor. N’ouvrez pas la bouche comme vous le faites… Tenez-la fermée le plus possible… ou ce serait tenter le diable…