Page:Verne - Clovis Dardentor, Hetzel, 1900.djvu/76

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— Je ne m’en doute même pas.

— Sera-ce sur terre, sur mer, dans l’espace ?…

— Ce sera selon que l’occasion se présentera, et il n’est pas impossible qu’elle se présente…

— Quand tu devrais la faire naître ?…

— Pourquoi non ?… Nous sommes à bord de l’Argèlès, et à supposer que M. Dardentor tombe à la mer…

— Tu n’as pas l’intention de le jeter par-dessus le bord…

— Enfin… admettons qu’il tombe !… Toi ou moi, nous nous précipitons à sa suite, comme un héroïque terre-neuve, il est sauvé par ledit terre-neuve, et, dudit terre-neuve il fait un chien… non… un enfant adoptif…

— Parle pour toi, qui sais nager, Jean ! Moi, je ne le sais pas, et si je n’ai jamais que cette occasion de me faire adopter par cet excellent monsieur…

— Entendu, Marcel ! À moi d’opérer sur mer, et à toi d’opérer sur terre ! Mais, que ce soit bien convenu entre nous : si c’est toi qui deviens Marcel Dardentor, je n’en serai pas jaloux, et si c’est moi auquel revient ce nom magnifique… à moins que tous les deux…

— Je ne veux même pas te répondre, mon pauvre Jean !

— Je t’en dispense, à la condition que tu me laisses agir… Que tu ne me contrecarres pas…

— Ce qui m’inquiète, Jean, répliqua Marcel Lornans, c’est que tu défiles ce chapelet de folies avec une gravité qui n’est pas dans tes habitudes…

— Parce que cela est très grave. Au surplus, tranquillise-toi, je prendrai les choses par leur côté gai, et, si j’échoue, je ne me brûlerai pas la cervelle…

— Est-ce qu’il t’en reste ?

— Encore quelques grammes !

— Je te le répète… tu es fou !

— Parbleu ! »

Tous deux en demeurèrent là de cette conversation, à laquelle,