Tous, rompus de fatigue, après une journée si laborieuse, soupèrent avec un appétit formidable et ne firent qu’un somme jusqu’au matin.
Le lendemain, 30, dès l’aube naissante, chacun se remit à la besogne.
Il s’agissait maintenant de dresser une plate-forme sur la membrure du radeau. C’est à cela que servirent les planches du pont et les bordages de la coque du Sloughi. Des clous, enfoncés à grands coups de marteau, des cordes, liées sous les pièces, formèrent de solides amarrages qui consolidèrent tout l’ensemble.
Ce travail demanda trois jours, bien que chacun s’y hâtât, car il n’y avait pas une heure à perdre. Quelques cristallisations se montraient déjà à la surface des flaques, entre les récifs, et aussi sur les bords du rio. L’abri de la tente commençait à devenir insuffisant, malgré la chaleur du brasier. C’est à peine si, en se pressant les uns contre les autres, en s’enveloppant de leurs couvertures, Gordon et ses camarades arrivaient à combattre l’abaissement de la température. Donc, nécessité d’activer la besogne pour commencer l’installation définitive à French-den. Là, on l’espérait du moins, il serait possible de braver les rigueurs de l’hiver, qui sont si rudes sous ces hautes latitudes.
Il va sans dire que la plate-forme avait été établie aussi solidement que possible, afin qu’elle ne pût se disloquer en route – ce qui eût amené l’engloutissement du matériel dans le lit du rio. Aussi, pour parer à une telle catastrophe, mieux eût valu retarder le départ de vingt-quatre heures.
« Cependant, fit observer Briant, nous avons intérêt à ne pas attendre au-delà du 6 mai.
— Et pourquoi ? demanda Gordon.
— Parce que, c’est après-demain nouvelle lune, répondit Briant, et que les marées vont croître pendant quelques jours. Or, plus elles seront fortes, plus elles nous aideront à remonter le cours du rio. Penses-y donc, Gordon ! Si nous étions forcés de haler ce lourd radeau à la cordelle ou de le pousser à la gaffe, nous n’arriverions jamais à vaincre le courant !…