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deux ans de vacances.

Webb et Wilcox étaient allés chercher sous les arbres de la berge. Vers six heures, le pot-au-feu, c’est-à-dire le biscuit de viande – qu’il suffisait de soumettre à une ébullition de quelques minutes – fumait en répandant une bonne odeur. Ce qui n’empêchait pas une douzaine de tinamous, enfilés d’une baguette de fer, après avoir été convenablement plumés, de rôtir devant une flamme pétillante au-dessus d’une lèchefrite, dans laquelle Costar avait grande envie de tremper un morceau de biscuit. Et, tandis que Dole et Iverson remplissaient consciencieusement l’office de tournebroches, Phann suivait leurs mouvements avec un intérêt très significatif.

Avant sept heures, tous étaient réunis dans l’unique chambre de French-den – réfectoire et dortoir à la fois. Les escabeaux, les pliants, les sièges d’osier du Sloughi, avaient été apportés en même temps que les bancs du poste d’équipage. Les jeunes convives, servis par le mousse et aussi par eux-mêmes, firent un repas substantiel. La soupe bouillante, un morceau de corn-beef, le rôti de tinamous, du biscuit en guise de pain, de l’eau fraîche additionnée d’un dixième de brandy, un morceau de chester et quelques verres de sherry au dessert, les dédommagèrent du médiocre menu des derniers jours. Quelle que fût la gravité de la situation, les petits se laissaient aller à la gaîté de leur âge, et Briant se fût bien gardé de contenir leur joie ou de réprimer leurs rires !

La journée avait été fatigante. On ne demandait pas mieux, la faim satisfaite, que d’aller prendre du repos. Mais, auparavant, Gordon, guidé par un sentiment de religieuse convenance, proposa à ses camarades de faire une visite à la tombe de François Baudoin, dont ils occupaient maintenant la demeure.

La nuit assombrissait l’horizon du lac et les eaux ne réfléchissaient même plus les derniers rayons du jour. Ayant tourné le contrefort, les jeunes garçons s’arrêtèrent près d’un léger renflement du sol, sur lequel s’élevait une petite croix de bois. Et alors, les petits agenouillés, les grands courbés devant cette tombe, adressèrent une prière à Dieu pour l’âme du naufragé.