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deux ans de vacances.

À neuf heures, les couchettes étaient occupées, et, à peine fourré sous sa couverture, chacun dormait d’un bon somme. Seuls, Wilcox et Doniphan, dont c’était le tour de veille, entretinrent un grand feu à l’entrée de la caverne, lequel devait servir à écarter les visiteurs dangereux, tout en échauffant l’intérieur.

Le lendemain, 9 mai, et pendant les trois journées qui suivirent, le déchargement du radeau exigea tous les bras. Déjà les vapeurs persistaient à s’amonceler avec les vents d’ouest, annonçant une période de pluie ou même une période de neige. En effet, la température ne dépassait guère le zéro du thermomètre, et les hautes zones devaient être très refroidies. Il importait donc que tout ce qui pouvait se gâter, munitions, provisions solides ou liquides, fût mis à l’abri dans French-den.

Pendant ces quelques jours, vu l’urgence de la besogne, les chasseurs ne s’éloignèrent pas. Mais, comme le gibier d’eau abondait, soit à la surface du lac, soit au-dessus du marécage, sur la rive gauche du rio, Moko ne fut jamais dépourvu. Bécassines et canards, pilets et sarcelles, fournirent à Doniphan l’occasion de tirer quelques beaux coups de fusil.

Pourtant, Gordon ne voyait pas sans peine ce que la chasse — même heureuse — coûtait de plomb et de poudre. Il tenait par-dessus tout à ménager les munitions dont il avait noté les quantités exactes sur son carnet. Aussi recommanda-t-il bien à Doniphan d’économiser ses coups de feu.

« Il y va de notre intérêt pour l’avenir, lui dit-il.

— D’accord, répondit Doniphan, mais il faut également être avares de nos conserves ! Nous nous repentirions d’en être privés, s’il se présentait jamais un moyen de quitter l’île…

— Quitter l’île ?… fit Gordon. Sommes-nous donc capables de construire un bateau qui puisse tenir la mer ?…

— Et pourquoi pas, Gordon, s’il se trouve un continent dans le voisinage ?… En tout cas, je n’ai pas envie de mourir ici comme le compatriote de Briant !…