Page:Verne - Deux Ans de vacances, Hetzel, 1909.djvu/290

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
274
deux ans de vacances.

blocs de granit. Désordre véritablement grandiose que cet amoncellement de rochers gigantesques – sorte de champ de Karnak, dont la disposition irrégulière n’était point due à la main de l’homme. Là, se creusaient de ces profondes excavations, que l’on appelle « cheminées » en certains pays celtiques, et il eût été facile de s’installer entre leurs parois. Ni les halls ni les Store-rooms n’eussent manqué pour les besoins de la petite colonie. Rien que sur un espace d’un demi-mille, Briant trouva une douzaine de ces confortables excavations.

Aussi Briant fut-il naturellement conduit à se demander pourquoi le naufragé français ne s’était point réfugié sur cette partie de l’île Chairman. Quant à l’avoir visitée, nul doute à cet égard, puisque les lignes générales de cette côte figuraient exactement sur sa carte. Donc, si l’on ne rencontrait aucune trace de son passage, c’est que très probablement François Baudoin avait élu domicile dans French-den, avant d’avoir poussé son exploration jusqu’aux territoires de l’est, et, là, se trouvant moins exposé aux bourrasques du large, il avait jugé à propos d’y rester. Explication fort plausible, que Briant crut devoir admettre.

Vers deux heures, lorsque le soleil eut dépassé le plus haut point de sa course, le moment parut favorable pour procéder à une rigoureuse observation de la mer, au large de l’île. Briant, Jacques et Moko tentèrent alors d’escalader un massif rocheux qui ressemblait à un ours énorme. Ce massif s’élevait à une centaine de pieds au-dessus du petit port, et ce ne fut pas sans difficultés qu’ils en atteignirent le sommet.

De là, lorsqu’il se reportait en arrière, le regard dominait la forêt qui s’étendait vers l’ouest jusqu’au Family-lake, dont un vaste rideau de verdure cachait la surface. Au sud, la contrée semblait sillonnée de dunes jaunâtres, qu’entrecoupaient quelques noires sapinières, comme dans les arides campines des pays septentrionaux. Au nord, le contour de la baie se terminait par une pointe basse, formant la limite d’une immense plaine sablonneuse, située au-delà. En somme, l’île