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deux ans de vacances.

Vers sept heures, après avoir mangé avec appétit, Jacques et Briant allèrent se promener sur la grève, en attendant l’heure de la marée pour repartir.

De son côté, Moko remonta la rive gauche du rio, où poussaient des pins pignons dont il voulait cueillir quelques fruits.

Lorsqu’il revint vers l’embouchure de l’East-river, la nuit commençait à tomber. Au large, si la mer s’éclairait encore des derniers rayons solaires qui glissaient à la surface de l’île, le littoral était déjà plongé dans une demi-obscurité.

Au moment où Moko eut rejoint la yole, Briant et son frère n’étaient pas encore de retour. Comme ils ne pouvaient être éloignés, il n’y avait pas lieu de s’inquiéter.

Mais voilà que Moko fut très surpris d’entendre des gémissements, et en même temps des éclats de voix. Il ne se trompait pas : cette voix, c’était celle de Briant.

Les deux frères couraient-ils donc quelque danger ? Le mousse n’hésita pas à s’élancer vers la grève, après avoir tourné les dernières roches qui fermaient le petit port.

Soudain, ce qu’il vit l’empêcha de se porter plus avant.

Jacques était aux genoux de Briant !… Il semblait l’implorer, lui demander grâce !… De là, ces gémissements qui étaient arrivés à l’oreille de Moko.

Le mousse aurait voulu se retirer par discrétion… Il était trop tard !… Il avait tout entendu et tout compris ! Il connaissait maintenant la faute que Jacques avait commise et dont il venait de s’accuser à son frère ! Et celui-ci s’écriait :

« Malheureux !… Comment, c’est toi… toi qui as fait cela ! .. Toi qui es cause…

— Pardon… frère… pardon !

— Voilà donc pourquoi tu te tenais à l’écart de tes camarades !… Pourquoi tu avais peur d’eux !… Ah ! qu’ils ne sachent jamais !… Non !… Pas un mot… Pas un mot… à personne ! »

Moko aurait donné beaucoup pour ne rien savoir de ce secret.