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deux ans de vacances.

camarades, c’est ce que Doniphan, Webb, Wilcox et Cross avaient de mieux à faire, et c’est ce qu’ils firent.

Huit mois avant, lorsque Briant s’était arrêté à cette place, il ne se doutait guère que quatre de ses compagnons y viendraient à leur tour, avec l’intention de vivre séparément dans cette partie de l’île Chairman !

Et peut-être, en se voyant là, loin de cette confortable demeure de French-den où il n’aurait tenu qu’à eux de rester, Cross, Wilcox et Webb eurent-ils quelques regrets de ce coup de tête ! Mais leur sort était maintenant lié à celui de Doniphan, et Doniphan avait trop de vanité pour reconnaître ses torts, trop d’entêtement pour renoncer à ses projets, trop de jalousie pour consentir à plier devant son rival.

Le jour venu, Doniphan proposa de traverser immédiatement l’East-river.

« Ce sera autant de fait, dit-il, et la journée nous suffira pour atteindre l’embouchure, qui n’est pas à plus de cinq à six milles !

— Et puis, fit observer Cross, c’est sur la rive gauche que Moko a fait sa récolte de pignons, et nous en ferons provision pendant la route. »

Le halkett-boat fut alors déroulé, et, dès qu’il eut été mis à l’eau, Doniphan se dirigea vers la berge opposée, en filant une corde par l’arrière. Avec quelques coups de pagaie, il eut bientôt franchi les trente à quarante pieds de largeur que le rio mesurait à cette place. Puis, halant la corde dont ils avaient gardé le bout, Wilcox, Webb et Cross ramenèrent à eux le léger canot, dans lequel ils passèrent successivement sur l’autre rive.

Cela fait, Wilcox détendit le halkett-boat, il le referma comme un sac de voyage, il le replaça sur son dos, et l’on se remit en route. Sans doute, il eût été moins fatigant de s’abandonner dans la yole au courant de l’East-river, ainsi que Briant, Jacques et Moko l’avaient fait ; mais le canot de caoutchouc ne pouvant porter qu’une seule personne à la fois, on avait dû renoncer à ce mode de locomotion.

Cette journée fut très pénible. L’épaisseur de la forêt, son sol, le