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deux ans de vacances.

— Jacques ! s’écria Briant, qui voulait empêcher son frère de parler.

— Non, reprit Jacques d’une voix entrecoupée par l’émotion. Laisse-moi avouer !… Cela me pèse trop !… Gordon, Doniphan, si vous êtes ici… tous… loin de vos parents… sur cette île… c’est moi… moi seul qui en suis la cause !… Si le Sloughi a été emporté en pleine mer, c’est que, par imprudence… non !… une plaisanterie… une farce… j’ai détaché l’amarre qui le retenait au quai d’Auckland !… Oui ! une farce !… Et puis, lorsque j’ai vu le yacht dériver, j’ai perdu la tête !… Je n’ai pas appelé, lorsqu’il était temps encore !… Et, une heure après… au milieu de la nuit… en pleine mer !… Ah ! pardon, mes camarades, pardon !… »

Et le pauvre garçon sanglotait, malgré Kate, qui essayait en vain de le consoler.

« Bien, Jacques ! dit alors Briant. Tu as avoué ta faute, et, maintenant, tu veux risquer ta vie pour la réparer… ou au moins pour racheter en partie le mal que tu as fait ?…

— Et ne l’a-t-il pas racheté déjà ? s’écria Doniphan, qui se laissait aller à sa générosité naturelle. Est-ce qu’il ne s’est pas exposé vingt fois pour nous rendre service !… Ah ! Briant, je comprends maintenant pourquoi tu mettais ton frère en avant, lorsqu’il y avait quelque danger à courir, et pourquoi il était toujours prêt à se dévouer !… Voilà pourquoi il s’est lancé à la recherche de Cross et de moi au milieu du brouillard… au péril de sa vie !… Oui ! mon ami Jacques, nous te pardonnons bien volontiers, et tu n’as plus besoin de racheter ta faute ! »

Tous entouraient Jacques ; ils lui prenaient ses mains, et, cependant les sanglots ne cessaient de gonfler sa poitrine. On savait, à présent, pourquoi cet enfant, le plus gai de tout le pensionnat Chairman, l’un des plus espiègles aussi, était devenu si triste, pourquoi il ne cherchait qu’à se tenir à l’écart !… Puis, par ordre de son frère, par sa volonté surtout, on l’avait vu payer de sa personne toutes les fois qu’une périlleuse occasion s’était offerte !… Et il ne croyait pas avoir