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deux ans de vacances.

L’appareil, incliné sur la brise, monta doucement d’abord ; puis, Baxter, Wilcox, Cross et Service, postés au virevau, lui filèrent de la corde, en même temps que Garnett, qui tenait la ficelle-signal, la faisait glisser entre ses doigts.

En dix secondes, le « géant des airs » eut disparu dans l’ombre, non plus au milieu des hurrahs qui avaient accompagné son départ d’essai, mais au milieu d’un profond silence.

L’intrépide chef de ce petit monde, le généreux Briant, avait disparu avec lui.

Cependant, l’appareil s’élevait avec une régulière lenteur. La constance de la brise lui assurait une stabilité parfaite. À peine se balançait-il d’un côté sur l’autre. Briant ne ressentait aucune de ces oscillations qui eussent rendu sa situation plus périlleuse. Aussi, se tenait-il immobile, les deux mains fixées aux cordes de suspension de la nacelle, que berçait à peine un léger mouvement d’escarpolette.

Quelle étrange impression Briant éprouva tout d’abord, quand il se sentit suspendu dans l’espace, à ce large plan incliné, qui frémissait sous la poussée du courant aérien ! Il lui semblait qu’il était enlevé par quelque fantastique oiseau de proie, ou plutôt accroché aux ailes d’une énorme chauve-souris noire. Mais, grâce à l’énergie de son caractère, il put conserver le sang-froid qu’exigeait son expérience.

Dix minutes après que le cerf-volant eût quitté le sol de Sport-terrace, une petite secousse indiqua que son mouvement ascensionnel venait de prendre fin. Arrivé à l’extrémité de sa corde, il se releva encore, non sans quelques secousses, cette fois. L’altitude atteinte verticalement devait être comprise entre six cents et sept cents pieds.

Briant, très maître de lui, tendit d’abord la ficelle enfilée dans la balle ; puis, il se mit à observer l’espace. Retenu d’une main à l’une des cordes de suspension, il tenait sa lunette de l’autre.

Au-dessous de lui, obscurité profonde. Le lac, les forêts, la falaise, formaient une masse confuse dont il ne pouvait distinguer aucun détail.