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HIER ET DEMAIN.

bien que du mal, selon les hasards que lui offrirait l’existence.

La famille Morénas était donc heureuse, en dépit de ces légers nuages. Son bonheur, elle le devait à sa parfaite union. Fils, les deux jeunes gens ne méritaient, en somme, aucune critique sérieuse. Frères, ils s’aimaient de tout leur cœur, et qui eût attaqué l’un aurait eu deux adversaires à combattre.

Le premier malheur qui frappa la famille Morénas fut la disparition du fils aîné. Le jour même où il atteignait vingt-cinq ans, il partit comme de coutume à son travail, qui l’appelait, ce jour-là, dans un village voisin. Le soir, sa mère et son frère attendirent vainement son retour. Pierre Morénas ne revint pas.

Que lui était-il arrivé ? Avait-il succombé dans une de ses habituelles batteries ? Avait-il été victime d’un accident ou d’un crime ? S’agissait-il simplement d’une fugue ? Aucune réponse ne devait jamais être faite à ces questions.

Le désespoir de la mère fut poignant. Puis le temps fit son œuvre, et peu à peu l’existence reprit son paisible cours. Graduellement, soutenue par l’amour de son second fils. Mme Morénas connut cette mélancolie résignée qui est la seule joie permise aux cœurs meurtris par le malheur.

Cinq années s’écoulèrent ainsi, cinq années pendant lesquelles le dévouement