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HIER ET DEMAIN.

fiancée celle qu’il avait jusqu’alors, traitée en sœur chérie. Il l’aima selon son honnête nature, ainsi qu’il aimait sa mère, avec la même abnégation, avec le même élan, dans un pareil don de tout son être.

Il garda pourtant le silence et ne dit rien de ses projets à celle dont il souhaitait faire sa femme. C’est, il ne le comprenait que trop, que la tendresse de la jeune fille n’avait pas évolué comme la sienne. Alors que son amitié fraternelle s’était graduellement transformée en amour, le cœur de Marie était resté le même. Avec la même tranquillité, ses yeux regardaient le compagnon de son enfance, sans que nul trouble nouveau en obscurcit le pur azur.

Conscient de ce désaccord, Jean gardait donc le silence et cachait son espérance secrète, au grand chagrin de l’oncle Sandre, qui, professant pour son neveu la plus entière estime, eût été heureux de lui confier à la fois sa filleule et les quelques sous amassés en quarante ans d’un travail opiniâtre. L’oncle ne désespérait pas, cependant. Tout pouvait s’arranger, Marie était encore bien jeune. L’âge aidant, elle reconnaîtrait les mérites de Jean Morénas, et celui-ci, enhardi, formulerait alors sa demande qui serait favorablement accueillie.

Les choses en étaient là, quand un drame imprévu bouleversa Sainte-Marie-des-Maures. Un matin, l’oncle Sandre fut trouvé mort, étranglé, devant son comptoir, dont