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LA DESTINÉE DE JEAN MORÉNAS.

— Oui, Monsieur. Où vous reverrai-je ?

— Au cap Brun. Vous me trouverez sur le rivage, au fond de l’anse appelée Port Mejean. Vous la connaissez ?

— Oui. Comptez sur moi.

— Quand partirez-vous ?

— Ce soir, à la nage.

— Vous êtes bon nageur ?

— De première force.

— Tout est pour le mieux. À ce soir donc.

— À ce soir ! »

M. Bernardon se sépara des deux forçats qui retournèrent au travail. Sans plus s’occuper d’eux, le Marseillais continua longtemps sa promenade, interrogeant les uns et les autres, et sortit enfin de l’Arsenal sans s’être fait aucunement remarquer.


VI


Jean Morénas s’étudia à paraître le plus tranquille des prisonniers. Malgré ses efforts, cependant, un observateur attentif aurait été frappé de son agitation inaccoutumée. L’amour de la liberté lui faisait battre le cœur, et toute sa volonté était impuissante à dominer sa fiévreuse impatience. Combien elle était loin, cette résignation de surface, dont, pendant dix ans, il s’était cuirassé contre le désespoir !