Page:Verne - Hier et demain, 1910.djvu/156

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
144
HIER ET DEMAIN.

Pour cacher quelques instants son absence à la rentrée du soir, il imagina de se faire remplacer par un camarade près de son compagnon de chaîne. Un forçat chaussette — ainsi nommé du léger anneau que les galériens de cette catégorie portent à la jambe — n’ayant plus que quelques jours à rester au bagne, et, comme tel, découplé, entra pour trois pièces d’or dans les idées de Jean et consentit à rattacher à son pied, pendant quelques minutes, la chaîne de celui-ci, lorsqu’elle serait rompue.

Un peu après sept heures du soir, Jean profita d’un repos pour scier son ferrement. Grâce à la perfection de sa lime, et quoique la manille fût d’une trempe particulière, il s’acquitta promptement de ce travail. Au moment de la rentrée dans les salles, le forçat chaussette ayant pris sa place, il se blottit derrière une pile de bois.

Non loin de lui se trouvait une immense chaudière destinée à un navire en construction. Ce vaste réservoir était placé sur sa base, et l’ouverture des fourneaux offrait au fugitif un asile impénétrable. Profitant d’un instant favorable, celui-ci s’y glissa sans bruit, en emportant un bout de madrier qu’il creusa hâtivement en forme de bonnet et qu’il perça de trous. Puis il attendit, l’œil et l’oreille au guet, les nerfs tendus.

La nuit tomba. Le ciel chargé de nuages