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L’ÉTERNEL ADAM.

Cependant je ne tardai pas à recouvrer mon sang-froid. La véritable supériorité de l’homme, ce n’est pas de dominer, de vaincre la nature ; c’est, pour le penseur, de la comprendre, de faire tenir l’univers immense dans le microcosme de son cerveau ; c’est, pour l’homme d’action, de garder une âme sereine devant la révolte de la matière, c’est de lui dire : « Me détruire, soit ! m’émouvoir, jamais !… »

Dès que j’eus reconquis mon calme, je compris en quoi le tableau que j’avais sous les yeux différait de celui que j’étais accoutumé de contempler. La falaise avait disparu, tout simplement, et mon jardin s’était abaissé jusqu’au ras de la mer, dont les vagues, après avoir anéanti la maison du jardinier, battaient furieusement mes plates-bandes les plus basses.

Comme il était peu admissible que le niveau de l’eau eût monté, il fallait nécessairement que celui de la terre eût descendu. La descente dépassait cent mètres, puisque la falaise avait précédemment cette hauteur, mais elle avait dû se faire avec une certaine douceur, car nous ne nous en étions guère aperçus, ce qui expliquait le calme relatif de l’océan.

Un bref examen me convainquit que mon hypothèse était juste et me permit, en outre, de constater que la descente n’avait pas cessé. La mer continuait à gagner, en effet, avec une vitesse qui me parut voisine de deux mètres à la seconde, — soit sept ou huit kilo-