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LES EXPÉDITIONS POLAIRES

nait tous les jours moins sûr et confortable. Par bonheur, ils trouvèrent sur le rivage des arbres entiers, venus sans doute de Sibérie et poussés là par le courant, en nombre tel qu’ils suffirent non-seulement à la construction de leur habitation, mais encore à leur chauffage pendant tout l’hiver.

Jamais Européen n’avait encore hiverné dans ces régions, au milieu de cette mer paresseuse et immobile, qui, suivant les expressions si fausses de Tacite, forme la ceinture du monde, où l’on entend la rumeur du soleil qui se lève. Aussi les dix-sept Hollandais ne pouvaient-ils s’imaginer les souffrances dont ils étaient menacés. Ils les supportèrent d’ailleurs avec une patience admirable, sans un mot de murmure, sans la moindre tentative d’indiscipline ou de révolte. La conduite de ces braves matelots, ignorants de ce qu’un avenir si sombre leur réservait et qui avaient remis avec une confiance admirable « leurs affaires entre les mains de Dieu, » pourra toujours être donnée comme exemple, même aux marins d’aujourd’hui. On peut dire qu’ils avaient bien réellement au cœur l’æs triplex dont parle Horace. C’est grâce à l’habileté, à la science, à la prévoyance de leur chef Barentz, autant qu’à leur esprit de discipline, qu’ils durent de sortir de la Nouvelle-Zemble, leur tombeau probable, et de revoir les plages de leur patrie.

Les ours, extrêmement nombreux à cette époque de l’année, firent de fréquentes visites à l’équipage. Plus d’un fut tué, mais les Hollandais se contentèrent