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GRANDS VOYAGES ET GRANDS VOYAGEURS

la cendre mêlée avec du tuba, qui est un vin de coco. Ils pleurent les défunts tous les ans, pendant une semaine entière. Il y a un grand nombre de pleureuses qu’on loue exprès. Outre cela, tous les voisins viennent pleurer dans la maison du défunt ; on leur rend la pareille quand le tour vient de faire la fête chez eux. Ces anniversaires sont fort fréquentés, parce qu’on y régale copieusement les assistants. On pleure toute la nuit et l’on s’enivre tout le jour. On récite, au milieu des pleurs, la vie et les faits du mort, à partir du moment de sa naissance, durant tout le cours de son âge, racontant sa force, sa taille, sa beauté, en un mot tout ce qui peut lui faire honneur. S’il se rencontre dans le récit quelque action plaisante, la compagnie se met à rire à gorge déployée, puis subitement on boit un coup et l’on se remet à pleurer à chaudes larmes. Il se trouve quelquefois deux cents personnes à ces ridicules anniversaires. » Lorsqu’il arriva aux Philippines, l’équipage espagnol n’était plus qu’une réunion de squelettes, hâves, à demi morts de faim. Doña Isabelle débarqua à Manille, le 11 février 1596, au bruit du canon, et fut reçue solennellement, au milieu des troupes sous les armes. Le reste des équipages, qui avaient perdu cinquante hommes depuis le départ de Santa-Cruz, fut logé et nourri aux frais du public, et les femmes trouvèrent toutes à se marier à Manille, sauf quatre ou cinq qui entrèrent en religion. Quant à doña Isabelle, elle fut reconduite quelques temps après au Pérou par Quiros, qui ne