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KÉRABAN-LE-TÊTU.

faisait son service intelligemment, méthodiquement, et ne se gênait pas de donner des conseils, dont Van Mitten aurait pu faire son profit, ou même de faire entendre des reproches, que son maître acceptait volontiers. Ce qui l’enrageait, c’était que celui-ci fût aux ordres de tout le monde, qu’il ne sût pas résister aux volontés des autres, en un mot, qu’il manquât de caractère.

« Cela vous portera malheur ! lui répétait-il souvent, et à moi, par la même occasion ! »

Il faut ajouter que Bruno, alors âgé de quarante ans, était sédentaire par nature, qu’il ne pouvait souffrir les déplacements. À se fatiguer de la sorte, on compromet l’équilibre de son organisme, on s’éreinte, on maigrit, et Bruno, qui avait l’habitude de se peser toutes les semaines, tenait à ne rien perdre de sa belle prestance. Quand il était entré au service de Van Mitten, son poids n’atteignait pas cent livres. Il était donc d’une maigreur humiliante pour un Hollandais. Or, en moins d’un an, grâce à l’excellent régime de la maison, il avait gagné trente livres et pouvait déjà se présenter partout. Il devait donc à son maître, avec cette honorable bonne mine, les cent soixante-sept livres qu’il pesait maintenant, — ce qui