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KÉRABAN-LE-TÊTU.

lent rien admettre des choses actuelles, pas plus dans les idées que dans les usages, qui protestent contre toutes les inventions de l’industrie moderne, qui prennent une diligence de préférence à un chemin de fer, et une tartane de préférence à un bateau à vapeur ! Depuis vingt ans que nous faisons des affaires ensemble, je ne me suis jamais aperçu que les idées de mon ami Kéraban aient varié, si peu que ce soit. Quand, voilà trois ans, il est venu me voir à Rotterdam, il est arrivé en chaise de poste, et, au lieu de huit jours, il a mis un mois à s’y rendre ! Vois-tu, Bruno, j’ai vu bien des entêtés dans ma vie, mais d’un entêtement comparable au sien, jamais !

— Il sera singulièrement surpris de vous rencontrer ici, à Constantinople ! dit Bruno.

— Je le crois, répondit Van Mitten, et j’ai préféré lui faire cette surprise ! Mais, au moins, dans sa société, nous serons en pleine Turquie. Ah ! ce n’est pas mon ami Kéraban qui consentira jamais à revêtir le costume du Nizam, la redingote bleue et le fez rouge de ces nouveaux Turcs !…

— Lorsqu’ils ôtent leur fez, dit en riant Bruno, ils ont l’air de bouteilles qui se débouchent.

— Ah ! ce cher et immutable Kéraban ! reprit Van