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KÉRABAN-LE-TÊTU.

— On y veillera, mon maître, répondit Bruno. Mais, puisqu’on ne peut se rafraîchir ici, il est bien permis, je suppose, de fumer sa pipe ! — Vous n’y voyez aucun inconvénient ?

— Aucun, Bruno. En ma qualité de marchand de tabac, rien ne m’est plus agréable que de voir fumer les gens ! Je regrette même que la nature ne nous ait donné qu’une bouche ! Il est vrai que le nez est là pour priser le tabac…

— Et les dents pour le mâcher ! » répondit Bruno.

Et tout en parlant, il bourrait son énorme pipe de porcelaine peinturlurée ; puis, il l’alluma avec son briquet et en tira quelques bouffées, non sans une évidente satisfaction.

Mais, en ce moment, les deux Turcs, qui avaient si singulièrement protesté contre les abstinences du Ramadan, reparurent sur la place. Précisément, celui qui ne se gênait point de fumer sa cigarette aperçut Bruno, flânant, la pipe à la bouche.

« Par Allah ! dit-il à son compagnon, voilà encore un de ces maudits étrangers qui ose braver la défense du Koran ! Je ne le souffrirai pas…

— Éteins au moins ta cigarette ! lui répondit l’autre.