Page:Verne - Kéraban-le-Têtu, Hetzel, 1883, tome 2.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

120
KÉRABAN-LE-TÊTU.

riche et de bonne origine car, par l’impétuosité de ses manières, la violence d’un tempérament kurde, elle était de nature à effrayer n’importe quel prétendant à sa main, s’il s’en présentait. Son frère Yanar, qui s’était constitué son protecteur, son garde-de-corps, lui avait conseillé de voyager, — le hasard est si grand en voyage ! Et voilà pourquoi ces deux personnages, échappés de leur Kurdistan, se trouvaient alors sur la route de Trébizonde.

Le seigneur Yanar était un homme de quarante-cinq ans, de haute taille, l’air peu endurant, la physionomie farouche, — un de ces matamores qui sont venus au monde en fronçant les sourcils. Avec son nez aquilin, ses yeux profondément enfoncés dans leur orbite, sa tête rasée, ses énormes moustaches, il se rapprochait plus du type arménien que du type turc. Coiffé d’un haut bonnet de feutre enroulé d’une pièce de soie d’un rouge éclatant, vêtu d’une robe à manches ouvertes sous une veste brodée d’or et d’un large pantalon qui lui tombait jusqu’à la cheville, chaussé de bottines de cuir passementé, à tiges plissées, la taille ceinte d’un châle de laine auquel s’accrochait toute une panoplie de poignards, de pistolets et de yatagans,