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Page:Verne - Kéraban-le-Têtu, Hetzel, 1883, tome 2.djvu/22

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KÉRABAN-LE-TÊTU.

Van Mitten. Et alors, il se fit dans son esprit, comme une rapide vision d’éventualités terribles, au milieu desquelles apparaissait un Bruno méconnaissable, réduit à l’état de squelette ambulant !

Aussi son parti fut-il pris sans l’ombre d’une hésitation. Il se releva, il entraîna le Hollandais, qui n’aurait pas eu la force de lui résister, et, s’arrêtant sur le quai, au moment de rentrer à l’hôtel :

« Mon maître, dit-il, il y a des bornes à tout, même à la sottise humaine ! Nous n’irons pas plus loin ! »

Van Mitten reçut cette déclaration avec ce calme accoutumé, dont rien ne pouvait le faire se départir.

« Comment, Bruno, dit-il, c’est ici, dans ce coin perdu du Caucase, que tu me proposes de nous fixer ?

— Non, mon maître, non ! Je vous propose tout simplement de laisser le seigneur Kéraban revenir comme il lui conviendra à Constantinople, pendant que nous y retournerons tranquillement par un des paquebots de Poti. La mer ne vous rend point malade, moi non plus, et je ne risque pas d’y maigrir davantage, — ce qui m’arriverait infailliblement, si je continuais à voyager dans ces conditions.