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KÉRABAN-LE-TÊTU.

— Ce parti est peut-être sage à ton point de vue, Bruno, répondit Van Mitten, mais au mien, c’est autre chose. Abandonner mon ami Kéraban lorsque les trois quarts du parcours sont déjà faits, cela mérite quelque réflexion !

— Le seigneur Kéraban n’est point votre ami, répondit Bruno. Il est l’ami du seigneur Kéraban, voilà tout. D’ailleurs, il n’est et ne peut être le mien, et je ne lui sacrifierai pas ce qui me reste d’embonpoint pour la satisfaction de ses caprices d’amour-propre ! Les trois quarts du voyage sont accomplis, dites-vous ; cela est vrai, mais le quatrième quart me paraît offrir bien d’autres difficultés à travers un pays à demi sauvage ! Qu’il ne vous soit encore rien survenu de personnellement désagréable, à vous, mon maître, d’accord ; mais, je vous le répète, si vous vous obstinez, prenez garde !… Il vous arrivera malheur ! »

L’insistance de Bruno à lui prophétiser quelque grave complication dont il ne se tirerait pas sain et sauf ne laissait point de tracasser Van Mitten. Ces conseils d’un fidèle serviteur étaient bien pour l’influencer quelque peu. En effet, ce voyage au delà de la frontière russe, à travers les régions peu fréquentées du pachalik de Trébizonde et de